Bertrand Priour 
Rémanences 05/95 à ...
Une image revient, toujours la même.
Encore et encore.
Sans fin.
Une image ancienne.
Voilà déjà plus de douze ans, dans un train, à travers la fenêtre.
A travers la mise en scènes d'une image, somme toute banale, peut-être une autobiographie. Peut-être un journal où se croisent le passé, le présent et des futurs possibles.
Le passé, celui de l'image elle-même, réalisée voilà plus de douze ans. Une image presque banale: celle d'une forêt, vue de la fenêtre d'un train.
Presque banale. Presque, parce que choisie, tirée aujourd'hui de mémoires enfouies. Mémoires d'une époque d'intenses interrogations autour de la représentation, du dire, du écrire, du montrer. Mémoires de l'exploration inachevée d'une frontière, celle du cadre. Une quête où chaque étape, comme une porte, s'ouvre devant des abîmes, d'autres portes, qui elles-mêmes...
L'image d'une forêt. Peut-être comme une référence à quelque chose de stable, d'apparemment immuable, et pourtant en constante évolution.
Une métaphore de l'histoire d'un homme.
Une forêt vue d'une fenêtre, une possible des fenêtres de Baudelaire.
La fenêtre d'un train, rapide, fonçant sur des voies par lui seul empruntées. L'image d'un instant fugitif, figé, arrêté tant bien que mal, d'un instant d'une histoire, celle d'un homme.
Une image mise en scènes. Interprétée, plus de douze ans après par celui qui la capta, dans sa réalité d'aujourd'hui. Quelqu'un qui se souvient d'avoir fait cette image advenir, qui se souvient d'avant cette image, d'après cette image, qui aussi la projette par delà lui-même.
Une image revisitée, confrontée à tant de morceaux, de bribes d'une vie, d'un regard sur une vie, celle d'un homme.
Une image seule et multiple, comme les multiples images d'un tout, d'un homme, de l'homme, peut-être.
Une image, infiniment.
RÉMANENCE. n.f. (v. 1870; "permanence, persistance", XIIème; de rémanent). Sc. Persistance partielle d'un phénomène après disparition de sa cause; spécialt.de l'aimantation après retrait de l'influence magnétique. V. Hystérésis ◊ Rémanence (ou persistance) des images visuelles, phénomène sur lequel est fondé le cinéma.
Petit Robert, édition 1990
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